Tour des plantes intéressantes en automne, Perpignan;

Le déroulement des visites d’automne à Perpignan-Bompas. Compte-rendu pour Plantaexotica N°16. Visite faite le 16 octobre 2016.

Nous avons flotté tout le dimanche sur un petit nuage fait d’amitié et de plantes peu courantes.

La mise-au-point de la visite de plantes exotiques intéressante a montré dès le départ combien la richesse botanique des jardins fluctue en fonction des jardiniers et des conditions climatiques ou de l’extension des maladies des plantes. Lors des séances de préparation de la sortie, la fragilité des jardins s’est confirmée : le nombre des palmiers s’est considérablement  réduit, beaucoup des plantes peu courantes que je connaissais à Perpignan il y a une vingtaine d’année ont disparu, malgré l’absence de grands accidents climatiques depuis 1986. La conception du déplacement a dû être complètement revue tant la zone de villas où étaient concentrés les grandes orgues de Cleistocactus, divers Araucarias, Ficus elastica, Hibiscus rosa sinensis, Hakea suaveolens, Hipeastrum, Euphorbe candelabre s’était appauvrie. Heureusement d’autres plantes étaient apparues en élargissant le cercle de prospection. Malgré tout, dans le doute de réellement trouver un programme intéressant, j’avais mis au programme du matin du 16 octobre 2016, pour ceux venant de loin, la visite de notre jardin. Un grand merci aux visiteurs qui avaient gentiment  préparé à mon intention de nombreux semis et boutures de plantes peu courantes et qu’ils savaient manquer à mon jardin.

La visite de l’Oasis, s’est concentrée sur les conditions favorisant l’acclimatation, la zone subtropicale humide et l’enrichissement en plantes épiphytes, les aquatiques puisque les boutons des Nympheas exotiques et les fleurs de jacinthes d’eau attiraient le regard, d’autres floraisons soient finissantes comme celle d’Agave vilmoriniana ou Xanthorrhoea glauca, ou en cours comme Arctotis, Aloe reitzii, Acacia itheaphylla. Nous avons également parlé en visitant les massif de la difficulté de conserver les Proteacées, devant de jeunes feuilles frisottées, des conditions de culture de Boophone disticha, de la grande variété de feuillage qu’offre le genre Acacia, des agrumes devant les fruits qui commençaient à se colorer, de quelques Cycadales en montrant en particulier les différences de feuilles entre Macrozamia communis et M.Moorei puisque des confusions semblent commises dans le commerce horticole et, ayant tant échangé, il était tant d’aller déjeuner.

Au rendez-vous de l’après midi, deux voitures d’amateurs locaux se joignirent à notre groupe. Voici les points d’arrêt les plus significatifs. La rue Shakespear a permis de voir divers Brachychitons et Eucalyptus principalement camaldulensis ;  la floraison d’automne des bougainvillées et encore plus des Podranea, ainsi que les agrumes, Cycas revoluta et faux poivriers ont été régulièrement vus.

Avenue Guyenemer,  le Sequoiadendron giganteum trouve l’air de Perpignan trop sec pour pousser au-delà de ses 7/8 mètres où je l’ai toujours connu, les Chorysia speciosa sont devenus grands et très beaux : leur floraison qui dure depuis plus d’un mois était vraiment le clou de ce déplacement et les appareils photo ont crépité. L’arrêt le long de la rocade St Jacques, a permis d’aller admirer le superbe feuillage bipenné et brillant et la floraison finissante de Peltophorum dubium : une plantation constituant un essai réussi depuis une douzaine d’années à Perpignan. Les fruits se formant, permettront sans-doute de multiplier les essais. A Bompas étaient au programme : un bel alignement d’Erythrine crista-gali, et Brachychiton discolor, puis Acacia retinodes et Jacaranda mimosaefolia avec une floraison résiduelle dans chaque cas, quelques Strelitzia et Grevillea Robyn Gordon. Noter que de nombreux massifs et jardins comportent des ricins sur forme d’arbustes lignifiés de 2 à 3mètres de haut rappelant  à la fois que cette plante permet d’obtenir du feuillage exotique par des semis faciles mais aussi la toxicité potentielle des graines pour les jeunes enfants. De retour à Perpignan, furent admirés le plus grand Araucaria heterophylla connu rue Chaptal(8/10 mètres et presque trentenaire) puis un Ficus elastica panaché blotti contre une maison, enfin, les plantes les mieux venues au jardin de la Digue d’Ory comme un beau caroubier femelle et aux gousses tout à fait consommables, les Brahea edulis, le belombra (Phytolaca doica)devenu géant en  un peu moins de 30 ans, le Butiagrus de belle allure, Thumbergia grandiflora qui a envahi toute la maisonnette qui le supporte et croule sous les fleurs, un grand Bauhinia sp et grevillea SP prostré qui ont montré leur résistance depuis longtemps, de même que Eucalyptus polyanthemos et un Eugenia sp aux fruits rose bonbon.

Au jardin du cloitre ST François la croissance des plantes mises en place il y a seulement deux ans, a été explosive grâce à l’excellent limon et aux arrosages : l’Eucalyptus leucoxylon fait 3 mètres de haut et débute sa première floraison rose vif, le Chorisia atteint le premier étage des appartements, les cactus et succulentes se sont bien établis et le Philodendron selloum est magifique. Nous devons écourter la visite pour ne pas manquer rue des Rois de Majorque le superbe Cereus qui appuie sa ramure candélabre contre des façades sur deux étages puis, au jardin des remparts : le Maclura et ses fruits verruqueux, le cyprès chauve un peu malheureux sur sa zone sèche, le seul belombra ayant résisté aux hivers 1985-86 grâce à un emplacement très privilégié et le Parkinsonia aculeta si rarement planté. La fin du programme comportant un assez grand Ficus elastica, un avocatier portant des fruits, Thevetia et un superbe Eucalyptus rodwayi est abandonnée.

Au total se rappeler que la présence rare ici, des végétaux tels que Belombra, Chorisia, Ficus elastica , Peltophorum, Thumbergia grandiflora est dû au caractère « limite » en zone 9b / 10 a, nécessitant pour réussir leur culture, le bon choix de l’emplacement et une plantation à un stade assez avancé pour les végétaux arborescents. Par contre Erythrine crista-gali, agrumes, divers Cereus , Aloe et Eucalyptus, Grevilleas, Cycas revoluta, Podraena et bougaivillées au moins specto glagra et sanderiana sont fiables sur le long terme et devraient prendre la place des végétaux couleur de muraille si nombreux dans les jardins.

Un grand merci aux participants ayant permis les échanges de plantes, de connaissance, de passion et d’amitié.

Pierre Bianchi

Synthèse en terme d’acclimatation.

Origine des plantes vues.

Lorsque des plantes peuvent être acclimatées sur le moyen ou long terme, c’est grâce à une ressemblance des conditions climatiques entre région d’origine et terre d’accueil des végétaux. La limite la plus cruciale étant l’intensité du gel et le nombre de jours avec gel. Le climat de ville à Perpignan et le réchauffement que nous connaissons depuis un siècle, atténuent beaucoup le gel et élargissent les possibilités d’acclimatation. Les -7°C dont parlait Ch.Naudin à Collioure à la fin du 19° siècle ne se voient plus que 3 fois par siècle.

Beaucoup des plantes vues pendant cette sortie étaient originaires d’Amérique latine, elles proviennent en particulier d’une zone botaniquement très riche à la jonction des climats tempérés au sud et tropicaux au nord située au Nord-est de l’Argentine et plus au nord, avec d’est en ouest : l’Uruguay, Brésil et Paraguay. L’acclimatation est possible car si cette région est beaucoup  plus méridionale que la nôtre (latitude autour de 30° sud), et que son climat est subtropical et humide (Pluviométrie annuelle environ 1500 mm, sans saison sèche), elle connait des gels occasionnels  en raison  du relief (Andes) orienté nord-sud qui permet  la remontée de masses d’air froid venues de l’Antarctique parfois très loin vers le nord avec  occasionnels  dégâts sur les plantation de caféiers du sud du Brésil.

Les arbres et arbustes suivants en proviennent : par ordre alphabétique, avec ancienneté de leur présence lorsqu’elle est connue :

-Chorisia speciosa  (Ceiba speciosa, …): il s’agissait de 2 jeunes plants semés par un pépiniériste local et mis en place chez un amateur de plantes succulentes comme jeunes plants depuis les années 1990. Ils ont donc connu du froid mais pas le terrible hiver 1985/86. Cet arbre est reconnu être l’un des plus beaux arbres à fleurs du monde. Son tronc dilaté et son écorce muni d’épines coniques sont également très décoratifs.  Le bois est cassant, l’arbre le plus au nord a été amputé d’une grosse branche il y a une dizaine d’années lors d’un coup violent de tramontane. La superbe floraison   commence après la 1° semaine de septembre et dure plus d’un mois (6 semaines environ). Je n’ai jamais vu de fruits. Cet arbre peut être multiplié par semis ou boutures qui sont assez faciles en mai. Un arrosage estival est souhaitable. Il est en limite des possibilités d’acclimatation dans la région de Perpignan.

-Erythrina crista gali : cette plante n’a commencé à être plantée dans la région depuis une vingtaine d’années. Elle demande une terre de bonne qualité et des arrosages estivaux pour atteindre les dimensions d’un arbre. Elle fleurit massivement deux fois : la première à la fin du printemps, la seconde début septembre. Une fois le bois formé elle résiste facilement aux gels de la zone 9.

-Eugenia uniflora : introduit depuis la création du jardin de la digue d’Orry soit environ 1990. N’a pas été remplacé, produit des fruits rose vif comestibles.

-Jacaranda mimosaefolia : un des arbres ayant la plus belle floraison. En limite d’acclimatation à Perpignan : les arbres peuvent être rabattus au sol par les gels inférieurs à -5°C s’ils durent un peu ou sont accompagnés de vent froid. La floraison printanière n’est pas aussi spectaculaire qu’elle peut l’être en climat plus doux.

-Peltophorum dubium : implanté sous forme d’assez grands sujets importés d’Espagne, le recul d’acclimatation n’est que d’une dizaine d’années. La floraison jaune vif au dessus du feuillage est durable de septembre à octobre. Elle est suivie de fruits en forme de gousse.

-Phytolaca dioica. Introduit depuis une quarantaine d’années dans le Roussillon, apte à résister aux hivers courants, mais tué par le gel durable à -10°C. Le seul exemplaire ayant résisté à l’hiver 1985/86 est l’exemplaire du jardin des remparts. Avant cet hiver il existait d’énormes sujets à Canet en Roussillon. Le plus gros exemplaire actuel, qui se trouve au jardin de la digue d’Orry, a moins de 30 ans. Sa base et le départ des grosses racines sont les éléments les plus spectaculaires de cette plante, les fleurs sont discrètes et les fruits source de salissures.

D’autres plantes originaires de ces régions mais non-vues  ce dimanche, ont également été acclimatées dans les micro-climats les plus doux du sud de la France : Acacia caven,  Tabebuia, Prosopis affinis, Bauhinia forficata,  Araucaria angustifolia, Syagrus ronmanzoffiana.

Les plantes d’Australie, lorsqu’elles proviennent de régions sèches, ensoleillées et un peu froides l’hiver, sont de bonnes candidates à l’acclimatation dans la région de Perpignan. C’est le cas des plantes ligneuses provenant des plateaux du Sud du Queensland et de Nouvelles Galles du Sud (comme Eucalyptus polyanthemos, E.melliodora ou Brachychiton populneus) ainsi que d’Australie méridionale (comme Eucalyptus leucoxylon ou E.petiolaris visibles sur certains rond-points)..

 

Bibliographie : El nuevo libro del arbol, Tomo II, Especies forestales de la Argentina oriental, Julio Leonardis Y José Santos Biloni , direction Francisco Erize, 2a.ed. Buenos Aires, El ateneo, 1998, ISBN 950-02-8474-X

Forest trees of Australia, 5th edition, DJ Boland, MIH Brooker, GM Chippendale, CSIRO ed, 2006.

2 réflexions sur « Tour des plantes intéressantes en automne, Perpignan; »

  1. A la fois si proche de chez moi et si délaissée, la ville de Perpignan, regorge une richesse botanique que j’ignorai… Grâce à ce reportage, j’irai faire un tour lorsque le confinement sera levé.
    Merci Pierre de SFA

    Zina

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